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Témoignage de Ahcène
Propos recueillis par Camille Marchaut (1999)
mardi 22 mars 2011]
Ahcène est un manifestant du 17 octobre 1961. Ouvrier à la retraite, il fut l’un des témoins au procès de J.L. Einaudi.
- Pourriez-vous me parler de votre expérience du 17 octobre 1961 ?
– Je suis arrivé en France le 21 septembre 1961.
- Et pourquoi êtes-vous parti d’Algérie ?
– On est parti parce qu’il n’y avait pas de travail, on est venu ici pour travailler, en plus c’était la guerre là-bas, pire qu’ici…il y avait ça aussi. Et puis pour venir en France, il y avait des conditions, on ne pouvait pas venir sans contrat de travail. Alors moi j’avais un frère ici, son patron m’a fait un contrat de travail, il travaillait dans les travaux publics, et puis il m’a fait un certificat d’hébergement, c’est un cousin qui avait un café- hôtel dans le 5e au numéro 8 de la rue Maître Albert. Alors il m’a fait un certificat de logement et un contrat de travail et avec ça il nous a envoyés ici. Alors je me rappelle on est parti de là-bas, on a fait 27 heures pour traverser toute la mer Méditerranée, on est arrivé à Marseille, à Marseille on a pris un taxi, je me rappelle bien j’étais avec ma belle-sœur… Et puis on a pris un train à la gare de Marseille, enfin moi je ne connais pas, mais c’est la gare Saint Charles. Et puis de là-bas on a pris le train, c’était le soir je crois, et on est arrivé le matin, je ne sais pas…à 7 ou 8 heures à la gare.
- Vous étiez donc avec votre belle-soeur
– Avec ma belle-soeur et ses trois enfants. Après, de la gare de Lyon, on a pris un taxi et on est venu à Paris, dans le 5e, chez le cousin. J’avais un autre frère qui habitait là-bas aussi…Il y avait des gars de chez nous qui habitaient la rue Maître Albert à Paris 5e.
- C’est à dire de votre famille ?
– Oui, les gars de chez nous c’est la famille et puis des voisins, là-bas, en Algérie, du voisinage.
- Mais en Algérie, vous étiez sans travail, c’est bien cela ?
– Je n’ai fait que l’école coranique là-bas.
- Et à quel âge êtes-vous arrivé en France ?
– A 21 ans.
- Et vos parents sont restés en Algérie ?
– Oui, oui, j’avais des sœurs et un frère jumeau comme moi, oui, oui il était au service militaire là-bas.
- Donc, on ne vous a pas appelé pour faire la guerre là-bas ?
– Si on nous a appelé, mais comme on était deux frères, il ne fallait pas qu’ils prennent les deux, il fallait qu’ils prennent l’un ou l’autre, et ils ont pris mon frère. Donc on était convoqué tous les deux, ils m’ont gardé quatre ou cinq jours et ils m’ont relâché. Et lui, ils l’ont gardé jusqu’à la fin de l’indépendance. Moi aussi, j’ai vécu la guerre, j’étais jeune, mais je me rappelle des choses. Et puis on est arrivé ici en France le 21 septembre. Après quand je suis arrivé, le jour même, ma belle-soeur avec ses gosses, elle est allée chez la femme de mon cousin germain et elle est montée là haut, dans le Nord. Moi je restais au Café et il y avait un cousin, moi je ne le connais pas, mais il est de chez nous. Alors je suis rentré, il me parle arabe bien sûr : « ça va, ça va, toi t’es le frère à l’autre, à l’autre » ; et puis il m’a donné un café et tout ça, et il était neuf heures et demi, dix heures, et je vois un car de police qui arrive à la porte de la rue Maître Albert. Quatre ou cinq policiers rentrent, et moi je sais ce que c’est, des mitraillettes, parce que je connais les armes, et puis je connais les soldats quand ils viennent là-bas, les militaires ont des mitraillettes et tout ça, on connaît ça…Alors avec les mitraillettes à la main, ils sont rentrés au Café, ils ont demandé à quelqu’un avec un journal… et puis il n’y avait personne d’autre, il y avait moi avec le cuisinier…parce que les gens ils ne restent pas au Café, ils ont peur de… Ceux qui travaillent, ça va, ceux qui travaillent sont déjà partis, et ceux qui travaillent pas se méfient des Cafés.
- Pourquoi se méfient-ils des Cafés ?
– Ils se méfient parce qu’il y a des contrôles de police. Celui qui ne travaille pas, le policier va lui demander pourquoi il ne travaille pas, et soit il l’amène au poste, soit…pourquoi vous ne travaillez pas. Mais quand ils sont arrivés vers neuf heures et demi, dix heures, moi j’étais là-bas, et il m’a demandé les papiers. Je connais les papiers…parce que là-bas quand les soldats viennent, ils demandent les papiers, je connais, je connais le français, j’ai pris des cours de français en Algérie, j’ai pris des cours du soir. Après il m’a demandé ma carte d’identité. Après il parle à mon cousin : « Comment ça se fait qu’il n’a pas la carte d’identité celui-là ? » Il a dit : « Il vient d’arriver juste ce matin ». Alors il a dit : « on l’amène avec nous, parce qu’il faut qu’on lui fasse un dossier ». C’est comme ça il paraît, c’est comme ça quand tu arrives, il faut faire un dossier. Alors il a dit : « On l’amène avec nous ». Alors après il (son cousin) a dit : « Non, il ne connaît personne, il vient d’arriver, il ne sait pas où il va ». Alors il a dit : « Non, faut qu’on l’amène ». Alors ils m’ont amené dans le car, moi je ne connais rien puisque je suis arrivé le matin. Dans le car, à droite, à gauche, à droite, à gauche, il montait, il montait, il montait…il arrive dans un grand couloir, devant une grande porte. Moi je ne savais pas mais après ils m’ont expliqué. Moi je connais, j’ai été jusqu’à là-bas, c’est le commissariat à Paris 5e, derrière le quartier Latin. Quand il m’ont fait descendre, ils m’ont mis dans un endroit, ils ont ouvert une petite porte, ils m’ont dit : « Rentrez ». Moi je suis rentré. C’était une pièce longue de peut-être quatre ou cinq mètres, peut-être deux mètres de large, et c’est du ciment par terre. Alors je restais là-bas toute le journée. Vers quatorze heures un policier a juste ouvert la porte pour regarder… je ne sais pas. Après il est parti, et je restais là-bas jusqu’à dix-sept ou dix-huit heures et il en est venu encore un autre une fois, juste il a ouvert et il regarde, il m’a vu assis, après il a fermé la porte et il est parti. Il m’a laissé là-bas peut-être jusqu’à dix heures du soir. Et après, il a ramené quelqu’un, et chaque fois il ramenait quelqu’un et on était jusqu’à sept je crois. Et ils ne m’ont pas donné à manger, ça c’est sûr. Et avec les autres il nous a gardé, je sais pas…jusqu’à peut-être trois heures du matin.
- Et c’étaient d’autres Algériens avec vous ?
– Oui. Après vers trois heures du matin, deux ou trois policiers sont venus, ils nous ont fait tous sortir. Ils nous ont fait monter dans un car de police et après le car a démarré et il est parti. Moi je sais pas, je ne sais pas où il va…il est parti, il est parti, il est parti. Après il arrive à un endroit, dans un grand couloir devant une grande porte. Ils ont ouvert la porte derrière, et il y avait un policier de chaque côté de la porte. Et à chaque fois que quelqu’un descendait, soit il te met un coup de pied et il te fait tomber, moi ils ne m’ont pas donné de coup de pied, mais quand je suis descendu il m’on juste donné… soit ils donnaient un coup avec la matraque. Et en fait c’était à Vincennes, c’était ça. Moi, je ne savais pas, mais ils m’ont expliqué. Et moi, après je suis retourné là-bas, voir l’endroit. Donc, il y avait un policier de chaque côté, et comme le car il est en hauteur, quand tu descends, soit il te donnait un coup, soit il te donnait un coup de pied et il te fait tomber, ça dépend, moi il ne m’ont pas donné de coup de pied.
- Mais pourquoi faisaient-ils ça ?
– Comme çà, c’est comme ça, c’est tout…je ne sais pas, c’est à cause de la guerre…peut-être c’est ça. Alors ils m’ont donné un coup, je me rappelle, dans mon dos et après il nous a lâchés, et ils ont fait le contrôle un par un ; ceux qui travaillent, ceux qui ne travaillent pas…
- Et vous, vous aviez un contrat, n’est ce pas ?
– D’abord ils m’ont pris dans un endroit et ils ont fait une photo et après ils m’ont emmené dans un endroit pour faire un dossier. C’est à dire comme quoi je suis…j’ai un dossier là-bas, c’est au cas où, il est là… je ne sais pas, ou s’il y a quelque chose, c’est tout. Ils nous ont gardé jusqu’à six ou sept heures du matin, ils nous ont donné un café. Et vers sept heures et demi, huit heures, ils nous ont ouvert la porte et ils nous ont lâchés, avec peut-être quinze, vingt personnes, je ne sais pas, ils nous ont lâchés. Ils nous ont lâchés, moi je suis parti, je ne sais pas où je vais, j’ai vu un taxi, je l’ai arrêté, mais moi je ne connais pas où je vais, je connais juste la rue Maître Albert, parce que j’écrivais des lettres à mon frère là-bas. Alors le taxi m’a fait monter et m’a conduit jusqu’à la rue Maître Albert. Il est arrivé sur les quais, il m’a fait descendre comme ça, il m’a laissé là, je ne savais pas où j’étais, mais j’ai vu un cousin qui m’a fait signe. Voilà. Alors c’était le lendemain, le 22 septembre. C’était un vendredi, après le samedi, le dimanche…le marché aux puces, mon frère m’a amené là-bas, il m’a acheté une paire de chaussures et il m’a embauché dans les travaux publics. Et à partir du 25 septembre, j’ai commencé à travailler.
- Et vous logiez dans le Café ?
– Dans le Café Hôtel où il habite avec un copain. Il y avait mon frère au troisième étage et il m’a donné une place à côté. Alors j’ai commencé à travailler le 25 septembre. Le 17 octobre arrive et j’étais même pas au courant de la manifestation, ni rien du tout…non. Alors je travaillais avec mon frère à Paris jusqu’au soir. Le chef est venu et nous a demandé de rester parce que il y avait une panne d’électricité et il fallait attendre le dépanneur. Alors on a travaillé jusqu’à dix heures et demi, onze heures. On a pris le métro ensuite pour rentrer jusqu’à Maubert-Mutualité. Et quand on est descendu, mon frère m’a dit, il me parle arabe bien sûr, il m’a dit : « Il y a quelque chose qui ne va pas, c’est pas comme d’habitude », j’étais d’accord. On voit de la fumée partout, des gens qui courent à droite à gauche, les grands Cafés français étaient fermés, dans la rue Maître Albert, tous les Cafés étaient fermés. On est arrivé au Café, on est monté comme d’habitude, il était onze heures et demi, minuit et on a dormi jusqu’au lendemain. Après on s’est réveillé et on est parti travailler, c’était un jeudi. On est parti travailler, jusqu’à cinq heures, cinq heures et demi. Après on est revenu, comme d’habitude on est monté dans la chambre. Après on est redescendu au Café, parce qu’ on mange au Café, et on était là-bas et on entendait parler de la manifestation : « on l’a frappé, lui on l’a jeté à la Seine avec les mains attachées, il s’appelle Guendouze Tlemcani, il n’est pas revenu, il y en a qui disent qu’il a été frappé, il n’est pas revenu ».
- Il habitait dans l’hôtel, lui aussi ?
– Oui, il travaillait avec moi chez le même patron, mais pas sur le même chantier.
- Vous ne l’avez pas revu lui ?
– Non, il n’est pas revenu. Mais il ne savent pas s’il est en prison, s’il a été arrêté, expulsé, s’il est sauvé, ils ne le savent pas. Après ils parlaient de certaines personnes qui ont été frappées, ils parlaient de quelqu’un que je connais…
- Et connaissiez-vous la raison de la manifestation ?
– Après oui, à cause de…parce qu’il y avait un couvre-feu, on n’a pas le droit de sortir à partir de dix-neuf heures et le matin, on n’a pas le droit de sortir jusqu’à quatre, cinq heures du matin. Et en plus ils ont dit qu’il ne fallait pas se grouper, sortir à trois ou quatre personnes. Alors c’était le dix-huit, je suis remonté dans ma chambre après manger, il y avait le copain qui habitait avec moi, il m’a dit : « il y a une manifestation, tu y vas ? », j’ai dit : « si toi tu y vas, moi j’y vais » et puis des amis sont arrivés. Il était huit heures, huit heures et demi, je suis descendu et j’ai dit à mon oncle que j’y allais, et il m’a dit : « tu n’y vas pas tout seul, tu connais personne, tu ne sais pas où tu vas, viens avec moi ». Alors on a commencé à marcher dans le rue Maître Albert, on était donc trois personnes, on se dirigeait vers Saint Michel. On est arrivé sur Notre-Dame, on a traversé le pont, du côté de la préfecture, là où il y a le Palais de la Justice, il ne s’appelle pas le pont Saint Michel…je ne me rappelle plus. Et puis en arrivant au pied de la rue, c’est là que mon oncle a dit : « Regarde, il n’y a que des policiers partout, des cars, des policiers, c’est un barrage de police, il est infranchissable, c’est pas la peine de continuer. Parce que si on arrive là-bas, ils veulent nos papiers… ». Alors on a fait demi-tour, on voyait des cars de police qui passaient, on arrivait à côté de Notre-Dame et on s’est dit qu’on allait descendre les escaliers. On fait comme s’il ne s’était rien passé, et puis on rentre. On est descendu, on continuait à marcher , marcher, on discutait… jusqu’au pont de la Tournelle, près de la Tour d’Argent. On était donc sur les quais, sous ce pont, on restait là à discuter, on attendait que l’orage passe pour rentrer. Alors on restait là, on discutait, jusqu’à onze heures…Alors là il me dit : « peut-être qu’on peut y aller, ça c’est calmé, il n’y a pas grand monde ». Alors on marchait doucement pour aller vers la place Notre-Dame, et mon oncle se retourne et voit un car de police, mais on marchait et il dit : « j’espère que ce n’est pas pour nous, qu’il nous a pas vu ». Le car de police est passé, et on continuait à marcher comme s’il ne s’était rien passé, on a marché encore un peu et le car de police s’arrête juste devant nous. Une dizaine de policiers descendent en marchant presque en courant comme ça, ils arrivent vers nous. Deux ou trois sont allés vers le copain, commencent à le taper, puis deux ou trois sont venus vers moi et ont commencé à me taper avec les matraques.
- Vous disaient-ils quelque chose ?
– Ils ont rien dit, rien demandé, ni ce qu’on fait ici, rien…dès qu’ils sont arrivés, ils ont commencé à nous taper. Alors mon oncle commence à crier, tout ça, je ne sais ce qu’il a dit…qu’il faisait partie des anciens combattants, ou quelque chose comme ça. Et puis ils l’ont laissé partir, et mon copain aussi, après les avoir tapé. Donc ils sont partis tous les deux, et moi je restais et les autres ils étaient encore sur moi…et ils me tapaient plus…sur les épaules, sur les dos, ils me tapaient sur la tête, il me tape, il me tape… Ils tapent, alors je sentais que le sang commençait à couler, alors j’ai mis les mains sur la tête et ils continuaient à taper. Alors je me suis baissé jusqu’à être par terre pour me protéger. Et c’est là que les policiers sont venus, un de chaque côté, et ils m’ont traîné comme ça pendant trois ou quatre mètres, parce que le quai est large. Ils m’on traîné pendant trois ou quatre mètres… et c’est là qu’ils sont arrivés au bord et ils m’ont jeté, au moins deux ou quatre mètres à l’intérieur…de la Seine. Alors quand ils m’ont jeté…. Et puis c’est tout…et puis ils se sont retournés et ils sont partis. Moi, je restais dans l’eau, je commençais à nager doucement, parce que, comme ils m’ont tapé, je commençais à perdre un peu connaissance…peut-être. Mais quand ils m’ont jeté, peut-être que je me suis réveillé avec l’eau froide, je ne sais pas…Alors je commençais à nager, et je regarde sur le pont et je vois deux policiers qui me regardent…moi je continuais à nager, et ils ne m’ont pas parlé, pas aidé, rien, moi j’étais en dessous, peut-être à vingt mètres et ils me regardent, et moi je nage et eux ils me regardent, c’est tout. Et je commençais à avoir du mal à nager, parce que c’est lourd, alors j’ai retiré ma paire de chaussures, et j’ai retiré ma veste et je continuais à nager. Je suis arrivé au bord de la Seine, et je vois des crochets là-bas, des anneaux pour, je crois, quand il y avait des bateaux. Il y en a peut-être tous les trois mètres, alors j’ai nagé jusqu’à l’un d’entre eux et je me suis accroché, et je suis resté un petit moment comme ça entrain de regarder les deux policiers, et ils me regardaient tout le temps, ils ne m’ont pas touché, pas dérangé…Je suis resté comme ça, mais après il faut monter, et pour grimper, c’est un peu haut…mais il le faut, alors j’ai grimpé, j’ai réussi à grimper. Et puis je suis parti, et les deux policiers me regardent toujours. J’ai marché un peu en courant et j’ai marché jusqu’à la rue Maître Albert. Et là je rencontre le boucher qui me dit : « C’est toi Ahcène ? », je lui réponds que oui et il me dit : « Tu sais nager ? » et je lui ai dit oui. Il a dit : « Pour eux tu n’es plus là, parce que ton oncle vient d’arriver…et puis le copain a dit qu’ils t’avaient jeté dans l’eau et ton oncle a dit que tu ne savais pas nager ». Alors je lui est répondu que je savais nager. Il a ouvert la grande porte, il a appelé mon cousin qui m’a dit : « T’es là ? », je lui ai dit oui. Il m’a fait monter là haut, chez lui, il habite au quatrième étage avec sa femme et ses gosses. Et là ils m’ont donné des serviettes pour m’essuyer, ils m’ont changé, ils m’ont donné un verre de lait, tout ça…
- Vous aviez peur ?
– Ah bien sûr. Bien sur, évidemment. Alors j’ai dormi. Le lendemain je n’ai pas été travaillé. Mon frère est venu avec sa femme, ils m’ont amené chez un médecin il m’a fait un certificat médical je crois… Et puis il y a trois ou quatre personnes qui sont venues dire à mon frère qu’il ne fallait pas que je dorme à ma place. Parce que quand quelqu’un était frappé ou jeté à la Seine et qu’il s’en sortait, c’était dangereux pour lui. Ils ont dit : « Ils vont retrouver sa veste dans l’eau avec ses papiers, et ils vont savoir qu’il a été jeté dans l’eau et qu’il s’est sauvé. Et peut-être qu’ils vont venir le chercher la nuit et l’amener avec lui ou peut-être lui faire autre chose, ça dépend ». Alors j’ai pas dormi là, j’ai changé de place et j’ai été dormir à Nogent-sur-Marne. Après ils sont venus me chercher avec un avocat, l’avocat qui défend le F.L.N.. Après deux ou trois jours, ils ont convoqués mon oncle pour M. Tlemcani parce qu’il habitait chez lui.
- La police ?
– Non le commissariat, ils ont convoqué mon oncle pour, vous savez, mon copain dont je vous ai parlé qui s’est fait jeté dans la Seine et qui n’est pas revenu à l’hôtel ? Parce qu’ils l’ont retrouvé, ils l’ont repêché vers le pont d’Austerlitz…Alors mon oncle y est allé pour le déclarer ou je ne sais pas…comme quoi il était mort, parce qu’il faut organiser l’enterrement tout ça…je crois qu’il est enterré à Bobigny. Et après, comme ils l’ont trouvé, ils ont trouvé son patron, là où il travaille et j’avais le même patron. Et ils ont convoqué mon chef de chantier pour qu’il fasse une déclaration sur lui ( sur la personne morte dans la Seine), comme un témoin. Et mon chef de chantier était au courant que moi aussi j’avais été jeté à la Seine, mon frère lui avait dit. Et comme mon chef de chantier était convoqué, il a dit : « Je connais quelqu’un aussi, il travaille chez moi, dans le même chantier, lui aussi a été jeté dans la Seine, mais lui il est arrivé à s’en sortir parce qu’il savait nager ». Donc, c’est lui qui a donné mon nom. Et donc j’ai reçu une convocation. J’y suis allé avec ma belle-sœur et on m’a interrogé, j’avais un traducteur Arabe parce que je ne parlais pas bien le français. Il a commencé à me parler : où je travaillais, où je sortais, pourquoi, à quelle heure t’es sorti, à quelle heure il t’a jeté dans l’eau…Et ils m’ont demandé si je connaissais M. Tlemcani, j’ai dit oui. Après ils m’ont demandé si je connaissais les policiers qui m’ont jeté dans l’eau (rire). Comment je pourrais alors que c’était en pleine nuit ! Voilà.